logo 115 115L' Institut Jean Le Rond d'Alembert (∂'Alembert) de l'Université Pierre et Marie Curie (UPMC), UMR 7190 du CNRS, est né le 1er janvier 2007 de l'union de cinq laboratoires -en tout ou partie- de l'Unité de Formation et de Recherche (UFR) 923 de l'UPMC.

 depuis le 1er janvier 2018, l'UPMC est devenue Sorbonne Université

 

 

 

Ces laboratoires étaient:

  • Le Laboratoire de Modélisation en Mécanique (LMM ),
  • Le Laboratoire de Mécanique des Solides et Structures (LM2S),
  • Le Laboratoire d'Acoustique Musicale (LAM),
  • Le Laboratoire de Mécanique Physique (LMP),
  • Le Laboratoire d'Energétique et de Mécanique des Fluides Interne (LEMFI).
 
 
 
La structuration de l'Institut en cinq équipes ne reproduit pas cette division car l'occasion a été saisie de réorganiser l'ensemble des recherches théoriques, expérimentales et numériques suivant une logique de synergie regroupant des activités dédiées à la mécanique des fluides théorique ou appliquée, la mécanique des solides et structures, les applications à l'énergétique, l'acoustique physique ou audible, et formant des équipes cultivant des aspects complémentaires, théoriques et expérimentaux, dont certaines équipes sur deux sites (Jussieu et St-Cyr).
 

La structuration verticale en cinq équipes n'exclut pas l'émergence de thèmes de recherche partagés par des membres de plusieurs équipes et cette possibilité est intégrée sous la forme horizontale dans la structure existante de manière à éviter une trop grande rigidité et préparer des évolutions positives.


Un retour historique apportera un éclairage sur les groupements réalisés.


Un mathématicien et mécanicien théoricien remarquable, Joseph PERES (disparu en 1962), collaborateur de Vito VOLTERRA sur des problèmes mathématiques, dont ceux liés aux équations intégro-différentielles apparaissant en viscoélasticité, avait très tôt reconnu (années 1930 et 1940) la nécessité d'une réelle approche scientifique de problèmes liés à l'aéronautique, en particulier en aérodynamique théorique et expérimentale. Ayant débuté suivant cette voie, trois de ses jeunes collaborateurs de l'époque ont alors joué un rôle déterminant dans la création de laboratoires formés plus tard dans l'UFR 923 de l'UPMC. D'une part, Lucien MALAVARD a été le fondateur incontesté du Laboratoire d'informatique et Mécanique des Sciences de l'ingénieur (LIMSI, Orsay). Paul GERMAIN (né en 1920), quant à lui, a été l'élément moteur dans la création du Laboratoire de Mécanique Théorique (1975) qui a donné naissance au LMM et au LM2S. C'est lui qui a introduit, d'une part avec Jean-Pierre GUIRAUD, les méthodes asymptotiques à l'anglo-saxonne, d'autre part avec George DUVAUT, les mathématiques appliquées à la française (analyse fonctionnelle, formulations faibles), et enfin la thermo-mécanique moderne des milieux continus et la mécanique des solides en grandes déformations, dans un paysage scientifique alors réservé essentiellement aux problèmes mathématiques analytiques de mécanique des fluides. Enfin, Raymond SIESTRUNCK (disparu en 2005), avec ses intérêts scientifiques et humanistes multiples, a favorisé l'introduction de l'acoustique musicale à l'UPMC tout en participant activement à la création de diplômes spécialisés d'enseignement de la mécanique (agrégation).
Avec d'autres, il a été à la base de la formation LMP sur le site de St-Cyr (avec le Professeur V. VISCHNIEWSKY, spécialiste de l'énergétique des moteurs à combustion interne) et du LAM (avec Émile LEIPP), alors à Jussieu, sans parler du Laboratoire de Mécanique et Technologie (LMT) de l'ENS de Cachan. Il est remarquable qu'une grande partie de l'héritage mécanicien de J.PERES, à travers le triumvirat MALAVARD-GERMAIN-SIESTRUNK, se retrouve maintenant réunifiée sous la forme d'un Institut dont on peut espérer que le tout apporte plus que la simple addition de ses parties.


On conclut en notant quelques avancées scientifiques remarquables produites par les différentes composantes de l'Institut, sources évidentes d'innovations scientifiques, au cours des quarante dernières années:

  • Mise au point des techniques d'homogénéisation et analyse fonctionnelle appliquée,
  • Développements de méthodes asymptotiques en mécanique des fluides et des structures,
  • Etude de multiples phénomènes non linéaires (ondes et autres),
  • Solution de problèmes mettant en jeux des singularités,
  • Développement de la thermomécanique des milieux continus,
  • Construction de la théorie des phénomènes multi-physiques couplés (électromagnétisme, conduction de chaleur, déformation),
  • Guidage d'ondes élastiques par des structures en couches et applications aux méthodes de mesure non destructives,
  • Rhéologie des suspensions et des solutions de polymères,
  • Théorie des forces configurationnelles,
  • Solutions de problèmes de fissuration fragile ou ductile,
  • Simulation des écoulements éclatés (gouttes, brouillards),
  • Dynamique des gaz à répartition discrète de vitesse,
  • Stabilité des structures minces (films collés, etc),
  • Recherches numériques en turbulence et applications industrielles (turbomachines, écoulements autour de structures aéronautiques),
  • Mise au point de schémas numériques performants,
  • Recherches poussées sur la combustion des moteurs à combustion interne,
  • Théorie du bang sonique (acoustique non linéaire) appliqué au vol des avions actuels et futurs,
  • Mise au point d'antennes paramétriques pour la détection sous-marine,
  • Etude rationnelle de la mécanique et physique des instruments de musique,
...
 
Gérard A.MAUGIN
(Février 2007)
 
 

Rappel historique sur la Mécanique à la Sorbonne. 
Les références Charru 2021, Fontanon 2017,  Charle & Eva Telkès 2017, Maugin 2017 et Germain 2006 sont à consulter pour comprendre l'émergence de la Mécanique française au XXème siècle et le rôle important, central et séminal de la Sorbonne : par les allers et retours en province lors des carrières, par le fait que la plupart des Professeurs des chaires étaient normaliens agrégés, par le fait que la plupart ont enseigné à l'Ecole polytechnique et par le fait qu'ils ont fait des passages à l'étranger...

Le résumé qui suit est partiel et orienté, il montre cependant les liens forts entre les différents laboratoires passés et actuels issus ou liés fortement à la Sorbonne: DynFluid, FAST, LIMSI, Mécanique Théorique (LMM LM2S), LMP, LAM... forgeant l'identité Parisienne de la Mécanique.
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Quelques Professeurs des "Chaires" associées à la Mécanique et à l'Aviation : Gabriel Kœnigs, Lucien Marchis, Henri Béghin, Henri Villat, Adrien Foch, Joseph Pérès, Raymond Siestrunck, Lucien Malavard, Paul Germain (crédits photos, voir en Référence).
La chaire de "Mécanique Physique et Expérimentale" de la Faculté des Sciences de Paris date de 1837. C’est à partir d’Henri Poincaré, qui obtient cette chaire en 1883, que nos racines mathématiques apparaissent. Ensuite vient Joseph Boussinesq (chaire de 1886 à 1896, qui passe ensuite à la Chaire de Mathématiques Appliquées). Ce dernier est toujours présent pour ses apports à l’hydrodynamique à surface libre, à la turbulence, à la thermique, à la mécanique des sols, à l’élasticité… Ensuite, vient Gabriel Koenigs (chaire 1897-1929), qui le premier travaille sur les moteurs à la Sorbonne. Faisant trop de bruit dans les laboratoires de la Sorbonne, il passe par plusieurs endroits dans Paris. Henri Béghin (chaire 1929-1947) prend sa suite. Il doit rejoindre Henri Bénard qui en 1929 a déménagé à Issy les Moulineaux.

Bénard (titulaire de la chaire de "Mécanique Expérimentale des Fluides" de 1930 à sa mort en 1939) utilise la cinématographie (tout est perdu en juin 1940). En 1937 la Sorbonne achète des ateliers des Chemins de Fer de l’Etat à Saint-Cyr l'Ecole, le "Laboratoire de Mécanique Physique" y emménage avec Henri Béghin puis Adrien Foch. Ce dernier prend la chaire de "Mécanique Expérimentale des Fluides" après Bénard, de 1939 à 1947, puis de 1947 à 1960, il prend la chaire "Mécanique Physique et Expérimentale" de Béghin. Le poste de maître de conférences libéré par Foch est attribué à Yves Rocard. André Fortier prend de 1947 à 1875 la chaire de "Mécanique Expérimentale des Fluides", accueilli en 1948 dans les locaux de Saint-Cyr, il fonde le laboratoire de Mécanique Expérimentale des Fluides (où il sera avec Raymond Comolet), bâtiment 502 à Orsay (qui deviendra le FAST en 1983). 


En parallèle de la chaire de "Mécanique Physique et Expérimentale" de Koenigs, le marchand d’armes Basil Zaharoff (1849?-1936?) fait une donation pour le développement de l’aviation (fonds bibliothécaire qui existe toujours en 55-65 2ème étage, fonds aviation de Zaharoff), Lucien Marchis est le premier titulaire en 1910 de la "Chaire d’Aviation". Elle est dissoute à sa retraite en 1933. En parallèle encore, Emile Deutsch de la Meurthe, autre mécène (en 1923 il fait construire les premiers bâtiments de ce qui devint la Cité internationale universitaire de Paris) finance en 1910 la création d’un institut aérotechnique (IAT). L'IAT est installé lui aussi à Saint-Cyr-l’École mais sur un autre terrain (cédé à l’université de Paris par le ministère de la Guerre).


Une chaire de "Mécanique des Fluides et Applications" est fondée en 1923 par le sous-secrétariat à l’Aéronautique, avec le professeur Paul Painlevé, le maître de conférences Albert Toussaint et avec un poste d’ingénieur Dimitri Riabouchinski. Painlevé devient ministre de l'air en 1932 et rattache définitivement l'IAT au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). Bien que Painlevé émit des réserves sur la théorie de couche limite de Prandtl et sur l’hypothèse de Joukowski sur le bord de fuite, il encouragea l'aviation, organisa des conférences, des collaborations avec l'étranger, et il introduisit des enseignements expérimentaux.


L'Institut de Mécanique des Fluides de Paris, est créé en avril 1929, par Henri Villat (qui, lui, avait compris l'hypothèse du bord de fuite, et son nom aurait pu s'y rattacher si Boussinesq l'avait laissé publier). Il occupe la chaire de "Mécanique des Fluides et Applications" de 1927 à 1950 à la Sorbonne. Parmi ses élèves, on compte Joseph Pérès et Jean Leray (mathématicien). Sous l’impulsion du doyen Pérès (dont la sœur est belle mère d'Adrien Foch), un grand effort fut fait autour de la Mécanique des Fluides. Son élève Lucien Malavard reprend après interruption la chaire d’Aviation de 1954 à 1979.
Sous son impulsion se développe le calcul analogique en cuve rhéologique (ancêtre de la simulation numérique). Il fondera le LIMSI à Orsay en 1972, laboratoire qui s'orientera plus vers la simulation numérique sous sa houlette. Pérès envoie Paul Germain, mathématicien de formation, ami de Malavard, en 1945 à Londres pour étudier la mécanique des fluides. Après sa thèse à l’ONERA (Office Nationale d'Etudes et Recherches Aérospatiales, fondé après guerre), il ramène d’un séjour à la Brown university la vision anglo-saxonne d’un "laboratoire", avec séminaires et surtout pétrie de convivialité et de partage. Paul Germain porte les fondements modernes de la Thermodynamique des Processus Irréversibles, de la mécanique des fluides avec les méthodes asymptotiques et installe un petit groupe (Groupe de Mécanique Théorique), dont Renée Gatignol à l’Institut Henri Poincaré de 1959 à 1969, avec une première bibliothèque de mécanique issue de Pérès. Il écrira plusieurs livres de cours qui font toujours référence.
Ami de Germain et beau-fils de Pérès, Raymond Siestrunck est le dernier titulaire de la chaire "Mécanique Physique et Expérimentale" de 1960 à 1970 (après Foch). Il fonde le Groupe d'Acoustique Musicale de l'Université Paris 6 en 1963. Emile Leipp Directeur de recherche au CNRS préfère ne pas aller à Saint-Cyr et installe le Laboratoire d'Acoustique Musicale (LAM) la même année au bâtiment F de la rue Cuvier. Le Site de Jussieu, de la "halle aux vins", ayant été inauguré en 1959 (lieu de travaux continus, Edouard Albert, en 1962 commence la construction du célèbre "gril", jamais fini… en chantier de 1998 jusqu'en 2016 pour désamiantage). Les nouveaux bâtiments accueillent le "Laboratoire de Mécanique Théorique" fondé en 1975 par Paul Germain (de retour de la direction de l'ONERA).


Ce laboratoire vivra avec Jean-Pierre Guiraud (fluides), Henri Cabannes (théorie cinétique), Maurice Roseau (vibrations non linéaires), Evariste Sanchez-Palencia (homogéinisation), Roger Peyret (numérique) puis se scindera en LMM (Laboratoire de Modéliation en Mécanique) et LM2S (Laboratoire de Modélisation et Mécanique des Structures) porté par Georges Duvaut (analyse fonctionnelle pour les solides) en 1986...
…pour fusionner avec le Laboratoire de Mécanique Physique Saint-Cyr et Laboratoire d'Acoustique Musicale en institut Jean le Rond ∂’Alembert en 2007, regroupant ainsi toutes les forces et les sensibilités mécaniques sous la direction de Gérard Maugin (théoricien, spécialiste mondial de la Thermodynamique des Processus Irréversibles) qui lui donnera son impulsion initiale. C'est lui qui trouvera ce nom de "∂’Alembert", synthèse idéale des activités.


Stéphane Zaleski, arrivé en 1992 au LMM, lui a apporté un grand renouvellement par une très forte contribution numérique (récompensée par une ERC advanced Grand, European Research Council en 2020). Devenu nouveau directeur, il poursuit l'œuvre de cohésion de ce nouveau laboratoire-institut de 2013 à 2019, il introduit le développement expérimental sur Jussieu (attirant nombre de talentueux collègues en expérimental...) et soutient fortement l'expérimental sur Saint-Cyr (avec toutes les réussites autour de l'acoustique et du zéro-G...). Par leur action et leur vision, G. Maugin et S. Zaleski ont construit un laboratoire original par son triptyque modélisation numérique, modélisation théorique et modélisation expérimentale.


On voit vraiment qu’aux racines de notre institut, il y a toujours eu ce mélange physique, mathématiques, expérimentations fines, aérodynamique, modélisation, transfert des connaissances.
C'est cette alchimie (si on peut se permettre le mot) unique qui doit perdurer. 

 

Pierre-Yves Lagrée 10/2023

 

Références

F. Charru, 2021, Ailes Nuages et Tourbillons, Ed Birkh\"{a}user
Claudine Fontanon "La mécanique des fluides à la Sorbonne entre les deux guerres", C. R. Mécanique 345 (2017) 545–555
https://hal.science/hal-01580812
Christophe Charle & Eva Telkès, "Les Professeurs de la faculté des sciences de Paris, 1901-1939. Dictionnaire biographique (1901-1939)"
INRP 1989. 272 p. ISBN : 2-7342-0230-X {https://www.persee.fr/issue/inrp_0298-5632_1989_ant_25_1}
Gérard A. Maugin, "Paul Germain et la mécanique des fluides (1945–1970)", Comptes Rendus Mécanique,
Volume 345, Issue 9, 2017, Pages 605-612
Paul Germain, 2006, Mémoire d'un scientifique chrétien, L'Harmattan

Rapport HCERES 2023 de l'Unité  https://dropsu.sorbonne-universite.fr/s/eRT9prym5rwM4sY

 

Crédits photos 

Bustes Kœnigs, médaillons Villat et Pérès, photos Béghin, Foch: Collection ∂'Alembert
Photo Marchis, fonds Aviation Zaharoff PMC
Photo Siestrunck, fascicule nécrologique 
Photo Malavard: remerciements Diana Baltean
Photo Germain :  "Solid mechanics and its applications" Gérard A.Maugin, Raymonde Drouot and François Sidoroff (Eds.), Continuum Thermomechanics : The Art and Science of Modelling Material Behaviour, Paul Germain's Anniversary Volume, KLUWER


 
Autres éléments historiques:
 - fonds aviation de Zaharoff.
 - exposé sur la vie de Paul Germain par Lagrée https://vod.imft.fr/publish/video/SJCgdM7Xx